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BAK lance un appel pour la protection des derniers lambeaux de forêt dense sèche de la Plaine de Lubumbashi
date : 21/02/2016
 
  Urgence de la conservation des derniers lambeaux de forêt dense sèche (muhulu)
dans la Plaine de Lubumbashi (Haut-Katanga, R.D. Congo)

1. Les forêts de la Plaine de Lubumbashi
La Plaine de Lubumbashi appartient à la Région zambézienne. Le climat, avec une pluviosité supérieure à 1000 mm, répartie sur 6 mois, permet le développement d’une végétation forestière.
Trois types principaux de végétation forestière existent dans la Plaine de Lubumbashi : les forêts claires, les forêts-galeries et les forêts denses sèches.
1.1. Les forêts galeries (mushitu)
Les forêts-galeries sont des peuplements forestiers très étroits, strictement localisés aux abords immédiats des cours d’eau. Il n’en sera plus question dans la suite de cette note.
1.2. Les forêts claires ou miombo
Les forêts claires sont actuellement le type forestier le plus répandu dans la Plaine de Lubumbashi. La strate arborescente ne dépasse pas 15-20 m. Elle est dominée par les arbres de la famille des Césalpiniacées, tout spécialement les genres Brachystegia (noms vernaculaires : Musamba, Muputu), et Julbernardia (J. globiflora : Sandwe), accompagnés notamment de Marquesia macroura (Museshi), Pterocarpus angolensis (Mulombwa), etc. Les arbres perdent partiellement ou complètement leurs feuilles en saison sèche. L’intensité lumineuse au niveau du sol est toujours élevée (d’où l’appellation de « forêt claire »), permettant le développement d’une strate herbacée graminéenne relativement dense. C’est la raison pour laquelle le miombo est parfois décrit comme une « savane boisée ».
Au Katanga, il est établi que le miombo est généralement une forêt secondaire, c’est-à-dire dont la grande extension actuelle s’explique largement par l’action humaine. La forêt primaire (= naturelle) d’une grande partie du Katanga est, en réalité, une forêt dense sèche (voir ci-dessous). Depuis l’occupation du Haut-Katanga par les bantous, la pratique de l’agriculture sur abattis-brûlis et les feux courants allumés en saison sèche ont progressivement entraîné la régression de la forêt primaire (forêt dense sèche) et son remplacement par la forêt claire.
1.3. Les forêts denses sèches (muhulu)
Les forêts denses sèches sont des forêts dominées par des arbres de grande taille (20-25 m), verts durant toute l’année (sempervirents). Quelques arbres typiques sont Dialium englerianum, Diospyros hoyleana, Entandrophragma delevoyi, Erythrophleum suaveolens, Parinari excelsa, Teclea nobilis, … La structure et la physionomie du peuplement est très différente de celle de la forêt claire. La strate arborescente est dense et très riche en lianes : Landolphia div. sp., Strychnos div. sp., Combretum div. sp. . Le sous-bois est très sombre, ce qui explique que la végétation herbacée y est très clairsemée. Presque toutes les espèces conservent leurs feuilles en saison sèche.
Le muhulu se présente parfois sous la forme de fourrés denses à Rothmannia whitfieldei, Cremaspora triflora et diverses lianes.
Les forêts denses sèches, lorsqu’elles sont intactes, offrent un obstacle à la progression des feux.
Les forêts denses sèches occupaient jadis au Katanga des surfaces beaucoup plus étendues qu’aujourd’hui. Leur très forte régression s’explique par la pratique de l’agriculture sur brûlis. Une fois la forêt dense sèche abattue, un champ est installé pendant quelques années. Quand les nutriments du sol sont épuisés, la culture est abandonnée et une savane arbustive se développe. La pratique des feux ne permet pas la reconstitution de la forêt dense sèche. C’est la forêt claire qui s’installe dans ces conditions.
Des expériences ont montré que la protection contre le feu favorise effectivement la réinstallation du muhulu.
Il est établi que les grandes termitières à Macrotermes, tellement caractéristiques du paysage de la Plaine de Lubumbashi, se sont édifiées dans des forêts denses sèches. Quand celles-ci sont remplacées par le miombo, les grandes termitières sont progressivement abandonnées (termitières mortes) ou réoccupées par d’autres termites.

2. Le muhulu, conservatoire d’un patrimoine naturel de grande valeur
Il n’y a pratiquement aucune espèce en commun entre la flore du muhulu et la flore du miombo. La flore du muhulu présente des affinités fortes avec celle des forêts denses de la Région guinéo-congolaise.
La flore du muhulu de la Plaine de Lubumbashi comprend un nombre important d’espèces à distribution géographique restreinte. Certaines espèces sont même endémiques des muhulus du Haut-Katanga et des territoires adjacents de Zambie. Citons notamment :
Aulacocalyx laxiflora, Grewia katangensis, Grewia schmitzii, Ritchiea quarrei,Tessmannia burttii, Tricalysia longituba, Tricalysia revoluta.
Les muhulus de la Plaine de Lubumbashi abritent également des espèces médicinales très recherchées : Tabernaemontana pachysiphon, Voacanga africana.

3. Les muhulus dans la Plaine de Lubumbashi
Les menaces qui pèsent sur ces reliques de muhulu sont nombreuses. Les feux tardifs et répétés, pratiqués dans les savanes arbustives qui les entourent, dégradent progressivement leurs lisières. La fabrication de makala emporte les arbres les plus grands.
Le muhulu n’occupe plus, actuellement, dans la Plaine de Lubumbashi, que des surfaces extrêmement réduites. Ces surfaces sont très fragmentées et isolées les une des autres. Il s’agit souvent de massifs ne dépassant pas quelques hectares.
Lorsque la surface de ces taches de muhulus devient trop faible, les effectifs populationnels des espèces les plus caractéristiques deviennent trop faibles pour assurer une survie à long terme.
Les quelques éléments de muhulu subsistant dans la Plaine de Lubumbashi prennent ainsi une valeur d’autant plus grande qu’ils sont les ultimes témoins d’un paysage autrefois caractéristique.
Le muhulu de la « Ferme du Lac » est l’un des mieux conservés des environs de Lubumbashi.
Sa flore comprend encore de nombreuses espèces devenues rares dans la Plaine de Lubumbashi ; citons spécialement :
Aulacocalyx laxiflora, Craterispermum schweinfurthii, Cremaspora triflora, Empogona ruandensis, Grewia schmitzii, Pauridiantha paucinervis, Pyrostria lobulata, Tarenna pavettoides, Tricalysia revoluta, Voacanga africana. Zanthoxylum trijugum, espèce nouvelle pour la R.D. Congo, y a été récemment notée.
Il occupe une surface de 254 ha. Il se présente comme une mosaïque de fourrés lianescents et de taches de forêt denses, entrecoupés de savanes secondaires. L’influence humaine est omniprésente : abattages récents, ouvertures de clairières, feux… Il est évident que les surfaces occupées par le muhulu dans ce site sont en voie de diminution rapide si des mesures énergiques de conservation ne sont pas prises.

Références
Schmitz A. 1963. Les muhulus du Haut-Katanga méridional. Bulletin du Jardin botanique de l'État 32 : 221-299.
Schmitz A. 1971. La végétation de la plaine de Lubumbashi. INEAC. Série scientifique, n° 113.
Schmitz A. 1974. L’homme et la végétation du Haut-Shaba (Zaïre). Les Naturalistes belges 55 : 374-414.

 


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